Traditions orales, chants, danses, fêtes, rituels, savoir-faire, recettes… Ces pratiques, combinant connaissances et outils matériels, transmises, actualisées, revitalisées à chaque génération, constituent ce que l’UNESCO appelle le Patrimoine culturel immatériel (PCI). En 2003, l’UNESCO a adopté, une convention internationale ayant pour objectif de sauvegarder et promouvoir ce patrimoine. La France l’a ratifiée trois ans plus tard.
Le projet porté par la Fédération a pour but de montrer comment les écomusées et musées de société, qui travaillent depuis toujours sur ces questions d’expressions vivantes, de mémoire et de transmission, se sont saisis de cette notion. Pour affiner la réflexion, nous nous sommes donc interrogés sur ce qui distingue le PCI tel qu’il est défini par l’UNESCO d’un patrimoine ethnologique plus "classique".
Le premier point repose sur le fait que le PCI met en valeur le regard des acteurs sur des pratiques qu’ils estiment dignes d’être objet de patrimoine. Ce postulat réoriente les relations entre les professionnels de l’ethnologie et les porteurs de traditions qui, de simples objets d’étude, deviennent des acteurs majeurs. Cette situation n’est pas nouvelle pour des musées de société qui revendiquent, dès l’origine, un engagement citoyen dans la conservation et la valorisation du patrimoine en lien avec les acteurs. Réalisée à partir des propositions faites par les musées adhérents du réseau, cette enquête photographique vise à montrer le rôle joué par les musées dans la perpétuation et la mise en valeur de ces patrimoines ainsi que les relations nouées avec le milieu local.
L’autre trait saillant s’incarne dans la dimension vivante et évolutive de ces pratiques, recréées en permanence par les communautés en fonction de leur milieu social, de leur interaction avec l’environnement et de leur histoire. Plus que la saisie d’un fait culturel à un moment donné, le musée doit se donner les moyens de comprendre les éléments structurants de la pratique, chercher à en définir les cadres d’élaboration et les conditions de perpétuation. Le principe de la démarche photographique adoptée ici est de faire apparaître le rôle identitaire, festif et social de la pratique, mais aussi les savoir-faire, savoir-être mis en jeu, leur transmission, leur apprentissage et leur actualisation.
En filigrane, c’est bien une réflexion sur la modernité que nous souhaitons mener ici. Il s’agit de sortir d’une vision folkloriste et promotionnelle pour montrer en quoi la tradition incarne un patrimoine vivant, réactivé, inscrit dans le contemporain. Pour cela, nous avons choisi de faire appel à deux photographes du collectif Bar Floréal, Jean-Christophe Bardot et Olivier Pasquiers. Proches de l’ethnologie chacun à leur manière, ils sont familiers d’une approche compréhensive, prenant le temps nécessaire à l’instauration d’une relation de confiance avec les personnes ressources, cherchant à comprendre les situations à la lumière du terrain.
Il ne s’agit pas d’un travail ethnographique, ni d’un documentaire exhaustif qui prendrait en compte toutes les dimensions d’un phénomène social, mais l’expression d’un regard photographique sur des pratiques vivantes, avec tout ce que cela comporte de parti-pris et de subjectivité. L’objectif est en effet de réintroduire une lecture sensible et distanciée, qui n’est ni complètement le discours du musée ni complètement celui des communautés. Une sorte de troisième voie en quelque sorte, où les différents points de vue sur le patrimoine pourraient se rencontrer, se confronter et se féconder.